Confinés à domicile, les écrans sont depuis plus d’un an notre seule fenêtre sur le monde, à la fois moyen de communication et canal de divertissement, faisant bondir le temps passé sur nos appareils. On a déjà beaucoup glosé ici sur la manière dont ces confinements ont bénéficié aux plateformes de streaming de Netflix, Disney + à Amazon Prime. Cependant une autre catégorie de plateformes valorisant des talents indépendants a vu son développement s'accélérer pendant le Covid. Cette fameuse “économie des créateurs” est en train de constituer de nouveaux géants outre-atlantique, capitalisant sur une attention toujours plus avide de nouveaux formats. Quels sont ces nouveaux acteurs et comment réagissent les géants de la tech face à cette nouvelle vague ?
Après l’essor des Direct-To-Consumer (D2C), le Covid aura vu l’émergence du modèle DTA (Direct-to-Audience) où artistes privés de salles de concert, de librairies ou encore de galeries distribuent directement leur création auprès de leur communauté, ou de leurs mécènes. C’est le pari de Patreon, plateforme américaine de mécénat digital qui vient de lever 155 millions de dollars cette semaine avec une valorisation à 4 milliards de dollars. Plébiscitée par les créateurs pendant la pandémique passant de 30 000 artistes début 2020 à 200 000 aujourd’hui, la plateforme leur offre différents outils pour monétiser leur contenu, notamment avec des abonnements en échange de contenu exclusif. Avec une commission de 5 à 12% sur les abonnements mensuels, Patreon n’est pas encore profitable et seuls 2% des créateurs déclarent vivre grâce aux revenus générés par la plateforme. Des plateformes ont répliqué ce modèle économique sur d’autres formats. Ainsi Substack l’outil de monétisation de newsletter a levé récemment 65 millions de dollars avec une valorisation à 650 millions. Avec cette Série B la plateforme veut aider les auteurs à se professionnaliser, en payant un certain nombre d’entre eux directement pour les aider à produire du contenu de qualité via son programme Substack Pro. A date, la plateforme revendique près de 500 000 lecteurs payants pour accéder aux newsletters de son réseau.
Comment réagissent les géants tech ? Depuis les premières passes d’armes entre Snapchat et Facebook en 2013, les GAFAM surveillent comme le lait sur le feu les nouveaux entrants qui pourraient leur ravir la précieuse attention de leurs utilisateurs. Preuve qu’ils prennent la mesure de cette nouvelle économie, ces acteurs ont multiplié les clones ces derniers temps. Ainsi Facebook a lancé dès 2019 son application Creator offrant une option d’abonnement payant pour les fans de créateurs. De même, en réponse à Substack, Facebook prévoit de sortir un outil à destination des journalistes et écrivains indépendants, Twitter va plus loin avec le rachat de Revue un concurrent direct de Substack pour permettre aux créateurs de sa plateforme d’offrir du contenu exclusif à des “super followers”. L’audio sera sans doute la prochaine frontière de la bataille de l’attention. Avec le succès de Clubhouse et de ses salons audios, les géants sont sur le qui-vive. Twitter a fait une offre de rachat pour 4 milliards de dollars quand Facebook a déjà sorti son clone Hotline et alors que Slack, Spotify ou même Linkedin travaillent sur leur propre version… de quoi occuper notre attention pendant encore quelques années !
Facebook a publié un communiqué le 6 avril dernier par le biais duquel, la firme reconnaît du bout des lèvres l’existence d’un fichier réunissant les informations personnelles de plus de 530 millions de ces utilisateurs dont près de 20 millions de comptes français. Après avoir minimiser l’ampleur de cette faille de sécurité, Facebook a affirmé cette semaine ne pas avoir jugé nécessaire de prévenir ses utilisateurs lorsque le vol de ces données a eu lieu en 2019. Pourtant, des informations importantes ont été exposées, dont le numéro de téléphone, le nom, le lieu d’habitation, ou encore la date d’anniversaire de chaque utilisateur. Un épisode malheureux de plus pour le géant américain qui enchaîne les débâcles sur les sujets de sécurité des données personnelles depuis le début de l’année 2018. Même si Facebook n’a donc pas l’intention d’informer ses utilisateurs, vous avez la possibilité de savoir si vous avez été touché par ce vol de données. Il vous suffit de vous rendre sur le site spécialisé Have I Been Pwned.
Avec le nouveau confinement les cantines et autres restaurants d’entreprise se retrouvent à nouveau fermés, générant un manque à gagner se chiffrant en plusieurs centaines de millions d’euros pour les spécialistes de services comme Sodexo ou Compass. Pour réduire cette exposition à un seul canal de distribution, ces acteurs traditionnels accélèrent d’une part leur transition numérique et multiplient la création de nouveaux services pour pouvoir continuer à répondre aux besoins des télétravailleurs. La livraison est l’un des piliers de cette stratégie de diversification accélérée par la crise. Cette semaine le groupe Elior a annoncé l’acquisition de la startup Nestor spécialisée dans la livraison aux entreprises autour d’un menu unique préparé par un chef. Cette acquisition va permettre à Elior d’enrichir son offre existante, en répondant à la demande des employés de repas frais, équilibrés et éco-responsables avec une expérience de commande simplifiée. Sodexo après le rachat de FoodChéri en 2018 continue de son côté l’expansion de sa gamme de services dans la livraison. Dernière initiative, mise en place d’un partenariat avec Uber Eats pour permettre aux utilisateurs de son Pass Restaurant de commander sur la plateforme américaine. L’objectif de Sodexo après l’avoir testée en France est de généraliser cette offre à l’ensemble de Europe et l’Amérique Latine.
Alors que les semaines de fermeture forcée continuent à s’égrener, le Louvre frappe fort pour rendre ses collections accessibles malgré la pandémie. L’institution a lancé début avril un nouveau site donnant accès à près de 75% de son fonds soit 482 000 œuvres à explorer en ligne. Précédemment seules 30 000 œuvres étaient accessibles via le site du musée. Cette initiative lancée en 2019 arrive à point nommé et s’adresse tant aux chercheurs qu’au grand public, avec différents niveaux d’expérience en fonction des attentes des visiteurs. La plateforme permet de déambuler dans différentes salles et d’accéder à des œuvres issues de périodes similaires pour une expérience de découverte similaire à une visite au musée. Au-delà de cette base de données, le Louvre se positionne sur le segment de l’edutainment avec une nouvelle offre de vidéos et de podcasts sur son site institutionnel pour une expérience enrichie. Après une collection pop-up avec le géant japonais Uniqlo en début d’année, le Louvre est sur tous les fronts, de quoi compenser en partie ses 10 millions de visiteurs annuels dont il est privé depuis 2020.
Thomas Meyer - Consultant en Innovation
Julie Gaspard - Consultante en Innovation